Comment un orgue numérique peut-il restituer les sonorités produites par un grand orgue contenant plusieurs milliers de tuyaux ?
La réponse est bien sûr : « hem, pas aussi bien, certes ! »
J’ai cependant souhaité écrire ici quelques éléments de compréhension qui devraient permettre de tirer le meilleur de ce qu’un orgue numérique et une amplification externe peuvent restituer.
Quelle est la difficulté ?
Quand on tire deux registres de même longueur (disons un principal de 8 pieds et une gambe de 8 pieds par exemple), il y a deux tuyaux qui sonnent simultanément pour chaque note appuyée. Sur un orgue numérique, si on suppose qu’il n’a qu’une seule sortie audio (pour la démonstration), les deux signaux sonores S1 et S2 de chaque note se superposent dans la sortie et produisent une forme d’onde S3 qui peut présenter différentes caractéristiques.
Si S1 (en bleu foncé dans le graphique) et S2 (en bleu clair) sont parfaitement accordés (même fréquence) et sans décalage (donc « en phase »), la forme d’onde résultante S3 (en rouge) a une amplitude qui est la somme des amplitudes de S1 et de S2 – concrètement S3 est perçu comme nettement plus fort.
Mais si S1 et S2 ne sont pas parfaitement alignés, il se produit un phénomène d’atténuation (voire d’annulation lorsque S1 et S2 sont en opposition de phase) qui fait que S3 a une amplitude plus faible que les signaux originaux :
Un autre problème rencontré par l’orgue numérique est que S1 et S2 peuvent ne pas être parfaitement accordés. Dans ce cas, le signal résultant S3 contient des « battements » qui sont perceptibles à l’oreille. On voit dans le graphique suivant que l’amplitude du signal rouge (S3) n’est pas constante, elle est forte par moment et plus faible (voire nulle) à d’autres moments :
La solution
La difficulté provient du fait qu’on essaye de mélanger des sons de fréquence voisine dans une seule sortie audio, ce qui produit les interférences acoustiques qui ont été décrites ci-dessus. Pour pallier à cette difficulté, les constructeurs d’orgue ont multiplié le nombre de sorties audio (jusqu’à 20 sorties pour les plus gros orgues numériques !) afin de pouvoir répartir les sons dans des hauts-parleurs différents et ainsi minimiser les interférence entre les sons de même fréquence produits par l’orgue.
Donc ce n’est pas juste pour faire plus de bruit qu’on installe de nombreux hauts-parleurs, mais aussi pour améliorer significativement le niveau de détail des sons produits. Encore faut-il que les hauts-parleurs soient judicieusement placés. En effet, si on place deux hauts-parleurs trop proches l’un de l’autre, et orientés dans la même direction, ils se comportent comme une unique source sonore ponctuelle qui superpose les sons de la même façon que l’unique sortie audio qui a été décrite plus haut (voir les graphiques). Donc on gagnera à écarter les hauts-parleurs autant que possible, et à les orienter dans différentes directions (pour restituer différemment par exemple les sommiers de positif / récit / grand-orgue / pédales).