L’orgue que nous construisons présente la caractéristique d’avoir une console distante (ou « déportée »), séparée du buffet par une distance d’environ 15 mètres. Se pose donc la question : comment faire en sorte que l’appui des touches et des pédales à la console se traduise en ouverture et fermeture des soupapes situées dans le buffet ? Comment commander l’arrivée du vent et faire parler l’orgue à tuyaux ?
Pour cela, plusieurs technologies sont possibles. On citera ici les principales :
- transmission mécanique,
- transmission électrique,
- transmission numérique,
- transmission MIDI (qui est une forme particulière de transmission numérique)
Transmission mécanique pour orgue
Historiquement, c’est la méthode qui était utilisée par tous les facteurs d’orgue des siècles passés, et qui continue à avoir les faveurs de nombreux organistes adeptes du « toucher mécanique ». Ici, les touches et les pédales sont connectées physiquement aux soupapes d’arrivée du vent, par de nombreux éléments mécaniques appelés vergettes, pilotes, équerres, abrégés, balanciers. Lorsqu’on appuie doucement sur la touche, on peut ressentir le décollement de la soupape, et il est possible de doser la façon dont le tuyau va « attaquer », c’est-à-dire commencer à parler. Dans notre projet, ce type de transmission est exclu, car la distance de 15 mètres qui sépare la console du buffet rendrait cette transmission excessivement coûteuse, voire impossible à fabriquer.
Transmission électrique pour orgue
Pendant tout le vingtième siècle, de nombreux facteurs d’orgue ont non seulement construit des transmissions électriques (ou électropneumatiques), mais aussi supprimé des transmissions mécaniques d’orgues existants pour les remplacer par des transmissions électriques. Il s’agit d’installer des capteurs électriques sous les touches et sous les pédales, et de transmettre les signaux sous forme électrique vers les soupapes. L’avantage est qu’on peut cette fois installer des consoles distantes du buffet, en tirant autant de longueur de câble électrique que nécessaire. La fiabilité de ces systèmes est également réputée. L’inconvénient est qu’il faut tirer autant de fils qu’il y a de touches et de pédales à la console, soit au minimum 198 fils électriques pour une console trois claviers et pédalier de 30 notes. Autre inconvénient : la transmission est moins directe, donc moins réactive qu’une transmission mécanique.
Transmission numérique pour orgue
L’avènement du numérique à partir des années 1980 a offert de nouvelles possibilités dans le domaine des transmissions pour orgue. Le principal inconvénient de la transmission électrique (voir ci-dessus) étant le nombre de fils qui doivent être tirés entre la console et le buffet, on a arrêté de construire des transmissions électriques au profit des transmissions numériques. En effet, sur un seul câble numérique (de type réseau ethernet RJ45), il est possible de véhiculer suffisamment d’informations par seconde (au moins 1 000 000 de données par seconde) entre la console et le buffet. Même en jouant des triples croches à un tempo de 200, avec tous les claviers accouplés, aucun organiste n’atteint les limites de ce type de transmission. Le Grand-Orgue de Notre Dame de Paris est ainsi équipé d’une transmission numérique qui été développé par Synaptel.
Transmission numérique MIDI
MIDI (Musical Instrument Digital Interface) est la norme numérique qui permet de connecter des instruments numériques, y compris lorsqu’ils sont de marque différente. Cette norme existe depuis plus de 30 ans, et son succès est dû :
- à son haut niveau d’interopérabilité entre les marques,
- sa fiabilité, les données étant transmises en série, comme sur les « modems » de téléphonie.
Les orgues numériques modernes sont tous équipés d’une sortie MIDI, ce qui leur permet de transmettre toutes les actions de l’organiste (touche appuyée/relâchée, tirant de registre activé, …), vers une autre équipement musical, tel qu’un orgue à tuyaux, et donc de servir de système de « transmission ». L’avantage est qu’il n’y a pas besoins d’ajouter des capteurs sous les touches (comme c’est le cas dans les autres transmissions numériques), puisque ces capteurs sont déjà installés dans les orgues équipés « MIDI ». Le coût d’acquisition est donc inférieur à celui d’une transmission numérique spécifique.
Un câble MIDI permet de transmettre plus de 500 notes par seconde, avec une latence (délai de réaction) inférieure à 1 milliseconde ; cela est suffisant pour de petits systèmes (un clavier qui pilote un sommier à tuyaux par exemple). Si on a besoin de piloter plusieurs sommiers, avec plusieurs claviers accouplés, les limites de capacité de transmission peuvent être atteintes, et il est préférable de choisir des interfaces numériques dédiées aux grands systèmes d’orgue dans ce cas. Les facteurs d’orgue choisissent donc les interfaces MIDI pour les petits systèmes, et des interfaces numériques (plus chères) pour les plus grands systèmes à trois ou quatre sommiers à tuyaux. Pour transmettre des données MIDI sur des distances supérieures à 15 mètres, on pourra utiliser un amplificateur de signal tel que le Power Adapter de Midi Solutions. Pour trouver des composants MIDI, on pourra s’adresser à l’entreprise spécialisée MIDI Boutique.
Synthèse et éléments de choix
Transmission mécanique : fiabilité moyenne (parfois mauvaise), excellente réactivité, mais console distante impossible.
Transmission électrique : très bonne fiabilité, réactivité bonne (moyenne sur les systèmes électropneumatiques), mais nécessité de tirer une quantité importante de fils électriques depuis la console vers le buffet.
Transmission numérique : fiabilité moyenne (parfois problématique), réactivité bonne ; c’est la solution moderne qui convient aux grands systèmes d’orgue à tuyaux et console distante.
Transmission MIDI : très bonne fiabilité, réactivité bonne ; c’est la solution idéale pour des petits systèmes tels que la construction d’une extension à tuyaux (avec un seul sommier) pour une console numérique.